Afin de contribuer à la discussion sur le cadre de développement post-2015, nous, organisations d’inspiration catholique [1], réaffirmons que le moyen le plus efficace de sortir de la pauvreté et de la crise économique mondiale est étroitement associée à la promotion du travail décent et la mise en place d’une protection sociale adéquate. Nous affirmons donc avec certitude que« le travail humain est un point clé, probablement le point essentiel, de toute la question sociale si nous regardons cette question sous l’angle de ce qui est bon pour l’homme [2].
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Nous reconnaissons les défis auxquels les hommes sont confrontés dans un monde globalisé quand ceux-ci doivent se battre pour faire face à la diminution des ressources, pour mettre en place et développer des moyens de subsistance durables, et pour construire la paix.
Nous pensons que l’éradication de la pauvreté est la responsabilité des gouvernements, des organisations d’employeurs et de travailleurs, du secteur privé et de la société civile qui doivent ainsi prendre des engagements concertés; des engagements basés sur la dignité humaine, les droits et les responsabilités de l’Homme et sur la solidarité.
Forts d’une expérience longue et diversifiée dans le secteur privé ainsi que dans l’organisation et la création d’activités dans l’ensemble du monde, aussi bien à l’échelle locale que mondiale, établie grâce à des partenariats directs avec les États, les organisations internationales ou d’autres organisations de la société civile, nous proposons cette déclaration afin de contribuer à la réflexion et à la discussion mondiale sur le programme de développement post-2015.
Nous en appelons à la communauté internationale et soutenons ses efforts pour renouveler ses engagements auprès de l’humanité tout entière en vue d’éradiquer la pauvreté en encourageant les la promotion du travail décent, la création d’emploi de qualité et de la protection sociale pour tous les travailleurs dans tous les secteurs économiques, y compris dans le secteur informel. Nous sommes particulièrement préoccupés par la situation des jeunes et des migrants qui, bien qu’ils représentent une solution importante à la crise économique, rencontrent des difficultés encore plus graves.
Nous soutenons l’effort de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) qui vise à inclure l’agenda du travail décent dans le cadre du programme post-2015 et donne corps aux principes exprimés lors de la Déclaration de Philadelphie de l’OIT (1944), déclaration établissant que le travail n’est pas une marchandise. Ce principe avait déjà été énoncé en 1931 dans l’encyclique papale Quadragesimo Anno [3] qui représente une référence importante de la Doctrine sociale de l’Église catholique.
La promotion du travail comme moyen d’éradiquer la pauvreté ne devrait pas faire l’objet de compromis. La quantité d’emplois disponibles ne doit pas nuire à leur qualité; le travail doit être décent. C’est-à-dire qu’il doit être « dans chaque société, l’expression de la dignité essentielle de tout homme et de toute femme» [4]
Il est du devoir et de la responsabilité de tous les acteurs impliqués dans le monde du travail de coopérer afin de réaliser cet objectif dans un véritable esprit de justice et d’équité. Lorsque que tous ces acteurs sont impliqués, alors cet engagement est riche d’espoir.
Cependant, dans le monde globalisé que nous connaissons aujourd’hui, le travail au noir, précaire ou encore sans protection sociale est de plus en plus répandu. Ni les objectifs d’emploi, ni les profits –des employeurs, des entreprises ou des économies – ne devraient nuire aux conditions de travail. Les Hommes ne sont pas des « marchandises ».
Nous demandons à tous les responsables politiques et à toutes les entreprises, privées ou publiques, de prendre en compte la dignité humaine des travailleurs, leur talent, leur travail et leurs familles, leur donnant la possibilité de mieux accomplir leur vocation humaine au travail.
Nous demandons également à la communauté internationale de mettre en œuvre les quatre piliers de l’Agenda pour le travail décent de l’OIT, c’est à dire la création d’emploi, la protection sociale, le droit du travail et le dialogue social à tous les travailleurs, y compris les travailleurs non-déclarés.
Étendre la protection sociale
Toute personne physique ou morale doit assumer ses responsabilités en exerçant les actions nécessaires pour protéger le bien commun et le faire progresser. L’extension de la protection sociale est un moyen fondamental pour mettre en place la solidarité dans la société. Les mécanismes de la protection sociale sont essentiels pour éradiquer la pauvreté car ils protègent les travailleurs et leurs familles des risques qui peuvent survenir au court de la vie comme la maladie ou le chômage.
Les systèmes de protection sociale fragiles [5] doivent être consolidés. Les socles de protection sociale comme définis par les recommandations de l’OIT [6] sont de puissant outils pour étendre la protection à tous les travailleurs, familles et communautés. Nous insistons tout particulièrement sur le fait qu’il faut porter une grande attention aux conditions de travail décentes et à la protection des travailleurs jeunes ou migrants.
Une attention toute particulière à l’emploi des jeunes
Dans le monde d’aujourd’hui, les jeunes, en particulier ceux qui vivent dans des zones rurales ou qui travaillent pour des économies souterraines, font face à des difficultés dans le monde du travail. La jeune génération a de nombreuses compétences. Beaucoup de jeunes travaillent sans contrat, ou avec des contrats à temps partiel et des salaires précaires. Bon nombre d’entre eux sont au chômage. « C’est un problème particulièrement douloureux lorsque sont frappés les jeunes qui, après s’être préparés par une formation culturelle, technique et professionnelle appropriée, ne réussissent pas à trouver un emploi et, avec une grande peine, voient frustrée leur volonté sincère de travailler et leur disponibilité à assumer leur propre responsabilité dans le développement économique et social et de la communauté » (Laborem Exercens #18). De plus, nombre d’entre eux paient des frais d’inscription à l’université ou de formation professionnelle très élevés et s’endettent très jeunes alors que le travail n’est pas disponible.
De nombreux jeunes n’ont plus espoir dans le futur et risquent de perdre les valeurs fondamentales. « Aujourd’hui tant de jeunes se posent sérieusement la question de savoir si la vie est bonne et ont du mal à avancer dans la vie» [7]
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Nous demandons à tous les gouvernements, organisations de travailleurs et d’employeurs, ainsi qu’aux organisations de la société civile de travailler avec les mouvements et représentants des jeunes afin de garantir aux jeunes générations un futur sûr et épanouissant. Les jeunes devraient avoir l’assurance de pouvoir accéder à un emploi et devraient pouvoir profiter de conditions de travail décentes et de protection sociale, notamment au moment où ils quittent l’école pour entrer dans le monde du travail. Il conviendrait d’analyser attentivement et de réformer les systèmes éducatifs afin de garantir une bonne transition de l’école vers le travail. Les dirigeants d’entreprises ont une responsabilité importante dans le recrutement et l’accompagnement des jeunes générations lors de cette transition.
Une attention toute particulière aux travailleurs migrants et à leurs familles
En plus d’être un droit, la migration est une stratégie humaine naturelle pour combattre la pauvreté. D’après l’OIT, 90% des migrants internationaux aujourd’hui, qui sont en grande partie des jeunes, sont des travailleurs ou membres de la famille d’un migrant étant parti principalement pour des raisons économiques, c’est-à-dire, pour travailler. Le travail et les revenus des migrants contribuent énormément au développement positif et au recul de la pauvreté dans les pays où ces migrants travaillent mais aussi dans leurs pays d’origine. La migration, en tant que vecteur de développement social, est un défi essentiel et doit être traitée de manière adéquate. Cependant, plusieurs millions de migrants, se déplaçant à l’intérieur de leur région ou à travers les continents, en grande partie ouvriers agricoles ou employés de maison, éduqués ou non, travaillent dans des conditions particulièrement indécentes [8]
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Nous demandons à tous les gouvernements, organisations de travailleurs et d’employeurs, ainsi qu’aux ONG de travailler ensemble afin de garantir à tous les travailleurs migrants et à leurs familles les mêmes droits et les mêmes responsabilités dans le pays où ils vivent que tous les autres travailleurs. Il convient de prêter une attention toute particulière aux principes et droits fondamentaux au travail ainsi qu’à l’accès à une protection sociale adéquate et juste, en conformité avec les droits de l’Homme et les normes de travail internationales. Manquer à ces conditions revient à saboter le marché du travail, la santé publique, la cohésion sociale et l’ordre public. La protection sociale pour les migrants est synonyme de meilleure protection afin de vivre ensemble en paix dans toute la société.